Les clauses qui tuent

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, septembre 2012. Mise à jour : 13 novembre 2018.)

Ça y est ! Après des mois de recherche et une attente qui frôlait l’interminable, vous recevez enfin un « oui » de la part d’un éditeur qui accepte de publier votre livre. L’affaire est dans le sac ?

Pas avant d’avoir signé en toute connaissance de cause un contrat d’édition.

Voici le palmarès des 10 erreurs les plus communes — et les plus coûteuses — que commettent les écrivains lors de la signature d’un contrat d’édition.

1 – Oublier le rôle essentiel que joue l’auteur dans l’industrie du livre

Dans le contexte de la signature d’un contrat, l’auteur doit reconnaître — et se souvenir à toutes les étapes de la négociation — le rôle essentiel qu’il joue dans la « chaîne d’édition ». Sans son œuvre, il n’y a pas de livre. Plus encore, un éditeur bénéficie de crédits d’impôt et de subventions selon le nombre de livres publiés chaque année par sa maison d’édition. Retirez-lui le droit à votre œuvre et il verra ces sommes diminuer. Négociez ! Vous avez autant de poids et de pouvoirs que l’éditeur qui se tient devant vous.

2 – Signer sur-le-champ

L’erreur la plus fréquente est de signer un contrat d’édition sur-le-champ, sans d’abord prendre connaissance de ce qu’il contient. Assurez-vous de bien lire le contrat qu’on vous propose, de comprendre chacune des clauses qui devront vous satisfaire aujourd’hui, mais encore demain. De plus, l’éditeur n’est pas en droit de vous presser à signer. S’il le fait, la méfiance est de mise. Demandez à apporter le contrat à la maison où vous pourrez le lire et le relire, à votre rythme. Un éditeur respectueux et intéressé par votre œuvre acceptera votre requête.

3 – Accepter des conditions que l’on ne comprend pas

Un contrat, quel qu’il soit, doit être clair pour ceux et celles qui le signent. Gare au jargon et aux formulations de phrases embrouillées. Vous avez le droit de demander des éclaircissements à l’éditeur et, surtout, de faire ajouter des rectifications au contrat. Dans le doute, et si vous n’obtenez pas les explications nécessaires de la part de l’éditeur, communiquez avec l’UNEQ qui offre des services de consultation juridique. Vous éviterez ainsi de mauvaises surprises.

4 – Accorder une licence sur tout support

Un support est un mode d’exploitation qui accueillera l’œuvre, qu’il soit papier ou numérique. La technologie avance de nos jours très rapidement et les lois et usages ont parfois du mal à garder le rythme. Par exemple, l’édition numérique ne comporte aucun usage ni aucune loi qui prévoit les pourcentages des redevances auxquelles un auteur a droit. Ainsi, il est sage de refuser une clause conférant à l’éditeur des droits pour « tout support » puisque les usages de tous ces supports ne sont pas encore instaurés.

5 – Accepter une licence trop longue au contrat

En temps normal, la durée du droit d’auteur est de 50 ans après la mort de l’auteur. Mais rappelez-vous que plus la licence est courte, mieux ce sera. Pourquoi ? Pour donner à l’auteur le temps de voir s’il ou elle aime travailler avec l’éditeur.

6 – Accepter de payer pour la promotion de l’œuvre

L’auteur ne doit jamais être obligé de débourser des sommes pour la promotion de son œuvre et une telle clause ne doit pas apparaître au contrat. La promotion est une obligation de l’éditeur et celui-ci se doit de rembourser les dépenses encourues par l’auteur à l’occasion d’activités de promotion.

7 – Accepter que certaines paroles de l’éditeur soient contradictoires avec le contrat qu’il vous présente

À la lecture du contrat, vous avez le devoir — pour votre propre intérêt — de signaler à l’éditeur tout écart de sa part dans les propos qu’il pourrait tenir avec vous. Osez le reprendre s’il se trompe ou contredit votre contrat. Le contrat écrit représente la réelle entente entre les parties. Par souci de transparence, ce qui est dit doit se retrouver par écrit, et vice versa.

8 – Ne pas prendre au sérieux les obligations des parties

Les obligations des parties définissent les engagements que prennent l’éditeur et l’auteur l’un envers l’autre. Le contrat les lie légalement dans ces engagements et les parties doivent s’y conformer, sans exception.

Si l’auteur doit éviter les contrats type au profit d’un contrat sur mesure à sa situation, celui-ci doit aussi rencontrer toutes les exigences de son contrat et respecter, par exemple, ses dates de tombées, sans quoi le contrat peut être résilié et l’auteur poursuivi.

9 – Accorder un droit de préférence

Le droit de préférence est comme une promesse faite à l’éditeur que votre prochain livre devra être soumis à sa maison d’édition d’abord. Il s’agit d’une clause trop restrictive et vague dans ses termes comme « concurrence » ou « œuvre similaire ». Elle empêche l’auteur de jouir pleinement de son droit d’auteur.

10 – Ne pas demander d’à-valoir

Un à-valoir est une avance sur les redevances d’un livre. Si l’éditeur ne l’accorde pas toujours, il n’en coûte rien de le demander et, au pis-aller, de se faire dire non. Mais sachez surtout que les à-valoir sont non remboursables, sans exception.

Pour mieux lire entre les lignes de votre contrat d’édition, prenez rendez-vous avec l’UNEQ !

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, avril 2014. Mise à jour : 13 novembre 2018.)

Chaque année, une centaine d’écrivains se tournent vers l’Union pour obtenir des réponses à leurs questions sur le droit d’auteur et les relations avec les éditeurs.

Geneviève Lauzon, directrice des services aux membres de l’UNEQ, reçoit plusieurs demandes de nature légale de la part d’écrivains chaque par semaine. Si les écrivains de la relève constituent la moitié des demandeurs, l’autre moitié est composée d’écrivains professionnels, bien installés dans leur carrière. Même si le secrétariat de l’UNEQ est en mesure de répondre à la plupart des questions, un quart d’entre elles requiert néanmoins les compétences d’un conseiller juridique.

Les affaires dans les règles de l’art ?

L’UNEQ a pour mission de défendre les droits socio-économiques des écrivains. C’est ce point de vue qui a guidé son analyse des clauses contenues dans plus d’une cinquantaine de contrats d’édition qui lui ont été remis par des membres au cours des trois dernières années.

Certaines lui ont paru abusives parce qu’elles favorisaient l’éditeur au détriment de l’auteur plutôt que d’établir entre eux un rapport d’égalité. La cession complète et illimitée du droit d’auteur en est un exemple et pourtant, elle se retrouve dans 75 % des contrats étudiés. La cession est habituellement formulée de la manière suivante : « L’auteur cède à l’éditeur pour toute la durée du droit d’auteur et dans le monde entier… ». Et si, pour diverses raisons, l’auteur souhaitait rééditer ses titres chez un autre éditeur, que ferait-il ? Plus la licence ou cession sera courte, mieux ce sera.

À cette clause s’ajoute, dans 60 % des cas répertoriés, une étendue de l’entente que l’UNEQ juge aussi abusive. Elle concerne la cession de droits encore inexistants, comme stipulé dans cet exemple : « l’Auteur cède […] tous droits connus et non encore connus qui permettent et qui permettront de communiquer l’œuvre au public ». Les écrivains doivent se méfier des clauses impliquant les « droits à venir » puisqu’ils n’en connaissent pas la nature et que par conséquent, les usages les concernant ne sont pas encore instaurés et que ce consentement ne peut pas être fait de façon éclairée.

Par ailleurs, le contrat d’édition définissant la relation d’affaires entre l’auteur et l’éditeur, la question de la rémunération de l’écrivain est cœur même du processus. D’un côté, il y a les à-valoir et les redevances, qui ont un impact direct et positif sur les revenus de l’auteur, mais de l’autre, il y a ce que l’éditeur soustrait de ces redevances. Dans 50 % des contrats d’édition étudiés, l’UNEQ a constaté que l’éditeur conservait une « réserve en cas de retour ». Or, les retours de livres mettent en cause un autre intervenant de la chaîne du livre, le distributeur. Les éditeurs semblent s’inquiéter de plus en plus des retours tardifs de leurs distributeurs et veulent donc s’en protéger en augmentant les sommes gardées en réserve et en allongeant la durée de cette réserve. Selon l’UNEQ, la réserve en cas de retour ne devrait pas dépasser 10 % des redevances à verser, pour les deux premières années de publication seulement. Au-delà de ce terme, l’UNEQ est d’avis que l’auteur ne devrait pas avoir à subir les conséquences financières de rapports inexacts.

Finalement, l’UNEQ met ses membres en garde contre les clauses de droits de préférence abusifs, remarquées dans environ 40 % des contrats d’édition du corpus étudié. Dans cette situation contractuelle, bien que la nature de l’œuvre soit précisée, il s’agit néanmoins de limites jugées abusives. On pense notamment aux restrictions imposées à l’auteur quant à l’écriture d’œuvres dites similaires (dans le jargon légal : « toute œuvre du même genre », « tout ouvrage traitant du même sujet », et « toute œuvre de même nature »).

Si le droit de préférence demeure acceptable pour certains genres de publication (pensons aux ouvrages pratiques ou pédagogiques), les termes « similaire » ou « analogue » ouvrent ici la porte à une application trop vaste de ce droit. En effet, les auteurs spécialisés sur un sujet particulier se voient ainsi contraints à ne pas pouvoir publier d’autres ouvrages ailleurs. Le droit de préférence devrait également prévoir pour l’auteur la liberté d’exploitation d’une œuvre future refusée par l’éditeur (selon un délai convenable stipulé au contrat). Les restrictions peuvent aussi concerner un nombre d’œuvres ou une durée déterminée : une durée de 10 ans, par exemple, peut devenir particulièrement longue pour un écrivain insatisfait du travail de l’éditeur…

Les comportements douteux de certains éditeurs

Plusieurs écrivains se sont plaints à l’UNEQ que leurs éditeurs adoptaient des comportements hors du cadre contractuel. « Près de 20 % des appels que nous recevons à propos des litiges auteur-éditeur concernent un problème de redevances non ou mal versées », explique Geneviève Lauzon.

En effet, même si le terme et la périodicité du relevé de ventes et du paiement de redevances sont stipulés au contrat, ils ne sont pas toujours respectés. L’absence de promotion peut également poser problème, car il arrive que l’éditeur ne fasse pas connaître l’œuvre, n’invite pas l’auteur dans les salons du livre ou dans les événements, n’organise aucun lancement et n’envoie pas le livre en service de presse. Enfin, des auteurs ont informé l’UNEQ que leur éditeur avait mis en ligne un format numérique de leur livre sans les aviser ni leur demander d’autorisation.

L’UNEQ rappelle aux écrivains que tout contrat d’édition doit être discuté avant d’être signé. Lorsqu’un éditeur refuse de négocier les termes du contrat, il offre dans les faits à l’auteur un contrat dit d’adhésion. Or, les contrats d’édition doivent se conclure de gré à gré, c’est-à-dire que les co-contractants doivent pouvoir discuter librement et négocier les clauses du contrat qui les unira. Le fait que plus de 60 % des auteurs d’une première publication nous ont dit avoir signé un contrat d’adhésion inquiète beaucoup l’UNEQ, car ces contrats sont plus susceptibles de contenir des clauses abusives.

Il est rare que les éditeurs puissent accepter la totalité des recommandations de l’UNEQ – nous visons des conditions idéales mais entre une pratique abusive un pratique idéale, il y a tout un spectre qui demeure acceptable. Nous avons donc produit un document qui devrait vous aider à hiérarchiser vos demandes lors des négociations, à la lumière de ce qui est important pour vous et de vos propres objectifs.

Consultez notre Guide des bonnes pratiques sur les contrats d’édition.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, décembre 2012. Mise à jour : juillet 2015.)

Formulation de la clause : l’auteur cède à l’éditeur tous les droits d’exploitation de l’œuvre sur tout support, et ce pour la durée du contrat.

Mise en garde : accorder une licence « sur tout support », c’est concéder à l’éditeur le droit d’exploiter votre œuvre sous divers formats, qu’ils soient papier, numérique ou encore… inconnus. Le monde de l’édition connaît de profonds changements et les éditeurs recherchent de  nouvelles sources de revenus reliées aux nouvelles technologies de l’information. Le problème qui se pose touche les redevances. L’édition numérique, dont sont friands de plus en plus de consommateurs, ne comporte actuellement aucun usage ni loi prévoyant les pourcentages des redevances auxquelles un auteur a droit.

Démarche : puisque les usages concernant tous ces supports ne sont pas encore instaurés, il est sage de refuser une clause conférant à l’éditeur des droits pour « tout support ». Demandez des clauses spécifiques pour chacun des formats d’exploitation que l’éditeur souhaite utiliser immédiatement, tout en maintenant un droit de regard ou de négociation sur les redevances relatives aux technologies du futur.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, avril 2013. Mise à jour : juillet 2015.)

Formulation de la clause : l’auteur accorde à l’éditeur un droit de préférence sur les œuvres de même nature, écrites sous son nom, sous un pseudonyme ou dans l’anonymat.

Mise en garde : le droit de préférence est comme une promesse faite à l’éditeur que votre prochain livre devra d’abord être soumis à sa maison d’édition. Si l’idée de signer une entente à long terme avec un éditeur peut sembler a priori intéressante pour l’auteur, les parties concernées doivent prendre le temps de bien s’entendre sur les détails d’une telle clause. Pour être légal, le contrat doit donc prévoir les formalités d’application de ladite préférence.

Petit texte de loi : la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs prévoit que toute entente établie avec un artiste qui réserve au diffuseur l’exclusivité d’une œuvre future de l’artiste ou lui reconnaît le droit de décider de sa diffusion, doit en plus préciser les aspects suivants :

  • l’entente doit porter sur une œuvre définie au moins quant à sa nature ;
  • l’entente doit être résiliable à la demande de l’artiste à l’expiration d’un délai d’une durée convenue entre les parties ou après la création d’un nombre d’œuvres déterminées par celles-ci ;
  • l’entente doit prévoir que l’exclusivité cesse de s’appliquer à l’égard d’une œuvre réservée lorsque, après l’expiration d’un délai de réflexion, le diffuseur, bien que mis en demeure, n’en fait pas la diffusion ;
  • l’entente doit indiquer le délai de réflexion convenu entre les parties pour l’application du paragraphe précédent.

Remarque : contractuellement, le droit de préférence peut s’avérer une clause trop limitative, surtout si un auteur écrit pour divers publics, dans différents genres et est en relation avec plusieurs maisons d’édition (par exemple, l’auteur publie dans différentes collections).

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, juin 2013. Mise à jour : juillet 2015.)

Sauriez-vous dire le pourcentage du prix de vente vous recevez depuis la parution de votre dernier livre ? Le pourcentage que vous recevez est-il (a) le fruit d’une négociation (b) un droit acquis ou (c) prévu par la Loi sur le droit d’auteur ? Que répondriez-vous ?

La direction de l’UNEQ a récemment formulé une autre question à l’égard de quelques pratiques contractuelles en cours : comment se fait-il que l’on retrouve chez certaines maisons d’édition un glissement du droit d’auteur de 10 % à 8 % ?

Cette pratique, si elle n’est pas la norme, soulève plusieurs questions. Qu’est-ce qui la motive ? Le travail de l’auteur est-il le seul à être ainsi affecté ? Comment ceci se justifie-t-il au regard du restant de la chaîne du livre ? C’est d’autant plus choquant que les éditeurs d’ici sont subventionnés, ce qui n’est pas le cas partout.

Il faut savoir que la Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur le statut de l’artiste ne prévoient aucun pourcentage ni montant pour les utilisations d’œuvres. Pas très encourageant… Mais le droit d’auteur, c’est-à-dire le pourcentage du prix de vente que reçoit l’auteure à titre de rémunération, tient des « usages » nationaux, certes, mais aussi internationaux. Et ce pourcentage usuel est chiffré à un minimum de 10 %. Cet usage est d’ailleurs généralisé sur les autres marchés comparables au Québec comme la France, l’Allemagne et les États-Unis.

Encore faudrait-il savoir garder coutume puisqu’il ne s’agit pas ici d’un acquis. Il ne faut donc pas que les maisons d’édition refilent aux auteurs les frais de production du livre, une responsabilité financière qui incombe à l’éditeur depuis toujours.

La chaîne du livre, on la connaît, répartit les revenus de la vente d’un livre comme suit : l’auteur (10 %), l’éditeur (35 %), le distributeur (15 %) et le libraire (40 %). L’UNEQ incite donc les auteurs à maintenir les usages, les coutumes si l’on veut, et à signer des contrats pour des droits d’auteur d’un minimum de 10 %. Pour l’intérêt des auteurs, certes, mais aussi pour l’avenir du droit d’auteur, qui est défini par son application. Ce qui stipule que chacun d’entre nous défende l’usage d’une industrie entière, à son nom et à celui de ses pairs.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, septembre 2013. Mise à jour : juillet 2015.)

Lorsque les producteurs de cinéma s’intéressent à votre œuvre, avec qui négocient-ils l’obtention des droits d’adaptation ? La réponse, comme toujours, se trouve dans votre contrat d’édition.

Formulation de la clause : l’auteur cède à l’éditeur, à titre exclusif et pour la durée du présent contrat, le droit d’adaptation audiovisuelle et cinématographique de son œuvre.

Mise en garde : attendez-vous à retrouver une telle clause dans votre contrat, surtout si l’éditeur travaille à partir de son contrat type. Avant de l’accepter, l’auteur doit toutefois examiner la clause sous le principe suivant : « Qui sera la meilleure personne pour négocier les droits d’adaptation de l’œuvre de l’auteu ? »

Démarche : deux possibilités. Supposons que l’éditeur n’a pas d’expérience en négociation de droits d’adaptation et que l’auteur connaît suffisamment le milieu du cinéma, où il a déjà des contacts. L’auteur pourra donc négocier seul, ou avec l’aide de son agent, la licence d’adaptation avec le producteur. Dans ce cas, l’auteur devrait conserver ses droits d’adaptation.

Si l’éditeur a fait ses preuves en matière de vente de droits d’adaptation et que l’écrivain préfère que l’éditeur les conserve afin de trouver un producteur intéressé et négocier en son nom, la clause est donc acceptée par l’auteur.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, décembre 2013. Mise à jour : juillet 2015.)

Le succès commercial d’un livre tient à peu de choses… En somme, le nombre d’exemplaires vendus. Mais à qui reviennent les responsabilités de la promotion de l’œuvre, à l’auteur ou à l’éditeur ?

Formulation de la clause : l’éditeur fera une promotion de l’œuvre de l’auteur conforme à l’usage.

Mise en garde : vague à souhait, il s’agit en fait d’un bel exemple d’absence de clause puisque la promotion d’une œuvre n’est pas balisée dans le droit d’auteur ou dans la loi. L’auteur doit ainsi prendre l’initiative de négocier une entente avec l’éditeur en ce qui a trait à la promotion de son livre puisque ces informations n’apparaissent pas d’emblée au contrat type. « Il est important de discuter concrètement des démarches qui seront entreprises par l’éditeur et d’étudier le processus de promotion que celui-ci fait habituellement avec ses auteurs puisque les éditeurs refusent souvent de s’engager contractuellement à détailler la promotion », explique Me Véronyque Roy, avocate spécialisée en droit du divertissement.

Étude de cas : si les médias sociaux permettent à l’auteur de communiquer plus facilement — et directement — avec ses lecteurs, il faut savoir que le contrat signé avec l’éditeur dicte tout de même certaines conduites. Ainsi, l’auteur pense souvent pouvoir créer une page web à l’effigie des personnages qu’il a créés afin d’appuyer la promotion de son livre, ce qui est faux puisqu’il a déjà accordé le droit exclusif à l’éditeur d’utiliser et de reproduire l’œuvre et les personnages. Si l’auteur souhaite promouvoir lui-même son œuvre, il doit conserver son droit et l’indiquer au contrat.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, avril 2014. Mise à jour : juillet 2015.)

Quand l’idée vous est venue, ce fut l’effet d’une véritable révélation. Du coup, vous la connaissiez cette femme-là, l’héroïne de votre prochain roman. Et quelles aventures s’apprêtait-elle à vivre, cette femme pas comme les autres ! En fait, un seul tome ne saurait rendre justice à  son existence littéraire. Pourquoi ne pas en faire une trilogie ? Votre éditrice trouve qu’il s’agit là d’une bonne idée, elle voit le potentiel, et vous propose de signer un contrat type sur-le-champ. Halte-là ! Comment s’articulent les deux grands axes du contrat d’édition, la propriété  intellectuelle et le droit d’exploitation, dans le cas de romans en série ?

À chaque tome son contrat

Si l’aventure littéraire en plusieurs tomes vous permet d’explorer un seul univers à travers la vie de votre personnage principal, chaque livre de la série doit tenir d’un contrat distinct. Ici, la Loi sur le statut de l’artiste appuie les auteurs dans leur démarche puisqu’elle oblige les éditeurs à rédiger des contrats différents pour tous les livres qu’il publiera. Mais le travail ne s’arrête pas là. Vous devez aussi vous assurer que les conditions du contrat initial ne s’appliquent pas à tous les livres de la série, car si le succès commercial est au rendez-vous, et c’est ce que l’on souhaite, c’est lors de la négociation du contrat d’édition du deuxième tome que l’on peut corriger le tir sur le premier. On pensera alors notamment à obtenir un à-valoir plus substantiel, des droits d’auteur plus élevés ainsi qu’un plus grand budget de promotion, celui-ci payé par l’éditeur, évidemment.

Un acte de cohérence 

Signer de nombreux contrats d’édition dans le cadre de romans en série exige de l’auteur une compréhension d’autant plus grande des clauses incluses au contrat. Ainsi, l’auteur doit s’assurer d’être cohérent quant aux droits accordés. Par exemple, mieux vaut ne pas accorder les droits d’adaptation cinématographique que dans le contrat d’un seul tome de la série, ou encore accorder les droits de traduction seulement sur certains titres de la série. L’auteur doit ainsi avoir une vision d’ensemble de son œuvre du point de vue du processus d’exploitation afin de bien définir quels droits il accorde à l’éditeur par l’intermédiaire de négociations.

Votre série dans le temps

Vos livres sont épuisés ou l’éditeur n’exploite plus votre œuvre. Pire encore, elle risque d’être mise au pilon. Dans ce cas, récupérer ses droits peut s’avérer une bonne idée. Pour bien vous préparer à une telle éventualité, vous devez vous assurer que les durées des clauses coïncident dans tous les contrats relatifs à la série de livres, afin d’être en mesure de reprendre vos droits sur l’œuvre entière, idéalement en même temps.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, juin 2014. Mise à jour : juillet 2015.)

Le livre sur support numérique devait fournir aux auteurs et aux éditeurs l’avantage d’une nouvelle voie de commercialisation de l’œuvre. Mais le piratage électronique est rapidement venu brouiller les cartes si bien qu’il menace la monétisation du livre comme jamais. Si la Loi sur le droit d’auteur réserve des sanctions on ne peut plus sévères aux pirates d’œuvres numériques trouvés coupables de commercialisation par mise en accusation (une amende maximale d’un million de dollars et une peine d’emprisonnement de cinq ans), pourquoi certains experts en droits d’auteur considèrent-ils comme perdu d’avance le combat de la protection de l’œuvre par mesures techniques de protection (MTP), ces verrous électroniques qui rebutent tant de lecteurs ?

Les différents dispositifs de protection du livre numérique

Avant de diffuser une œuvre littéraire par téléchargement numérique, l’éditeur s’assure de la cadenasser de MTP. On dénombre deux grandes familles de MTP, soit celles servant à contrôler l’accès et celles servant à restreindre la reproduction de l’œuvre. Si le cryptage est un processus de protection par brouillage qui rend le livre illisible ou imperceptible, à moins d’avoir une clé de décryptage, le tatouage numérique protège l’œuvre en incorporant de l’information en filigrane.

Malgré ces efforts, les MTP sont loin d’immuniser le livre contre le piratage. C’est qu’en se lançant sur l’autoroute électronique, l’industrie du livre s’expose, comme l’ont fait avant elle les industries du cinéma et de la musique, à un fléau de piratage par téléchargements illégaux principalement dû au fait que les MTP sont plutôt faciles à contourner par les âmes malveillantes. Souvent suivi d’une diffusion gratuite sur des sites de partage porte-à-porte, le phénomène se traduit par d’importants manques à gagner en frais de revenus pour les créateurs.

Plus encore, selon une étude menée par les spécialistes en droits d’auteur, Me Nicolas Sapp et Me Jean-Sébastien Rodriguez-Paquette de la firme ROBIC de Québec, plusieurs utilisateurs critiquent vivement les dispositifs de protection jugés trop restrictifs et envahissants, ce qui a pour effet de réduire le plaisir de la lecture et la satisfaction des consommateurs.

Ajouter une clause « MTP » au contrat d’édition

Dans leur étude Les déboires des mesures techniques de protection dans l’industrie du divertissement ou le droit vs la technologie : un combat perdu d’avance !, les avocats Sapp et Rodriguez-Paquette expliquent que malgré les critiques, les MTP sont ici pour rester, pour peu qu’ils soient bien adaptés et ne briment pas l’expérience des utilisateurs. « L’usage du tatouage numérique pourrait se révéler être une solution parfaite en l’occurrence, puisqu’elle est invisible pour les consommateurs et que son efficacité est relativement grande », expliquent-ils.

Me Véronyque Roy, avocate spécialisée en droit du divertissement, considère qu’il « serait normal, depuis les amendements récents à la Loi sur le droit d’auteur, de prévoir au contrat d’édition que l’éditeur s’engage à utiliser une MTP afin de protéger l’œuvre accessible sur Internet. Le logo Copypright © n’est plus suffisant pour protéger les œuvres en ligne, comme le précise la Loi sur le droit d’auteur. Elles doivent maintenant être dotées d’une MTP afin d’assurer une protection adéquate, respectueuse de la Loi sur le droit d’auteur ou d’un avis très clair. »

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, octobre 2014. Mise à jour : juillet 2015. Mise à jour : 13 novembre 2018.)

On le sait, l’industrie du livre connaît de grands changements, au Québec comme partout ailleurs. Les habitudes de consommation des lecteurs changent également, par exemple au profit du livre sur support numérique. Aujourd’hui, les écrivains ne peuvent plus vivre dans le modèle ancien du livre. Le numérique est devenu une source incontournable de revenus pour les créateurs.

Voici quelques repères pour bien négocier vos droits d’auteurs à l’ère du numérique.

La clause relative à la publication de l’œuvre en format numérique fait partie du grand contrat d’édition. Il ne s’agit donc pas d’un contrat rédigé à part. Voilà donc une autre bonne raison pour lire chaque ligne de votre contrat d’édition, surtout si l’éditeur vous propose un contrat type dans lequel les clauses proposées n’ont pas été négociées de vive voix auparavant.

Contrairement au livré imprimé, dont le nombre d’exemplaires mis en circulation est prédéterminé et sujet à des retours, la vente du livre numérique est illimitée dans le temps et en nombre, mais dépend, comme c’est toujours le cas, du réseau de distribution de l’éditeur. Demandez à l’éditeur sur quelles plateformes il compte vendre votre œuvre. Et surtout, à quel prix !

Pour les redevances, assurez-vous de négocier un pourcentage plus élevé que celui que vous obtenez pour la vente de copies papier puisque le prix de vente en ligne est habituellement plus bas. Demandez au minimum une redevance qui égalera la redevance par exemplaire vendu en format papier. Si votre livre se vend à 25 $ en librairie et que vous touchez des redevances de 10 %, vous devez réclamer des redevances de 17 % sur votre livre numérique vendu à un prix de 15 $ afin d’obtenir le même montant d’argent. Un simple calcul peut faire toute la différence sur la somme que vous toucherez en fin d’année.

Il est aussi important de bien comprendre la stratégie de mise en marché que compte utiliser l’éditeur en ce qui a trait à votre œuvre.

Si l’éditeur demande un avenant à votre contrat d’édition afin d’obtenir les droits de publication numérique au sujet d’une œuvre pour laquelle vous n’avez pas encore cédé vos droits numériques, par exemple si le contrat a été signé il y a quelques années, n’acceptez pas sur-le-champ. Et surtout, n’acceptez pas un taux plancher pour les redevances. C’est un bon moment pour consulter l’équipe de l’UNEQ qui pourra vous guider dans votre démarche… et pour sortir votre calculatrice.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, décembre 2014. Mise à jour : 13 novembre 2018.)

Lorsque vous signez un contrat d’édition à titre d’auteur d’un livre illustré ou d’une bande dessinée, vous entrez dans un partenariat créatif en mots et en images avec un autre artiste, l’illustrateur. Bien que l’auteur sera, comme toujours, rémunéré par les redevances de droits d’auteur, l’illustrateur sera souvent embauché à forfait par l’éditeur. Son contrat sera donc indépendant du vôtre.

Mais il arrive que l’entente prenne une autre forme. Par exemple, il peut être convenu, lors des négociations, que l’illustrateur partagera les redevances de droit d’auteur avec l’écrivain, le pourcentage de ce partage pouvant être indiqué, ou non, au contrat de l’auteur. Il arrive également que certains éditeurs rédigent un seul contrat sur lequel les trois parties signent (auteur, illustrateur et éditeur).

Mais ce qui est encore plus important dans ce rapport entre mots et images, c’est de déterminer qui, de l’auteur ou de l’illustrateur, possède les droits d’auteur sur les personnages du livre. Pour déterminer clairement qui est le titulaire des droits d’auteur sur le personnage, il sera important de le préciser dans les contrats. Si l’auteur donne des directives claires et précises définissant l’allure du personnage (les cheveux, les couleurs, la forme, les accessoires…),  peut-être sera-t-il propriétaire du personnage, l’illustrateur étant, dans ce cas, davantage un exécutant. À l’inverse, si l’illustrateur réalise toute la création, il sera titulaire des droits d’auteur sur le personnage. Dans ce dernier cas, il faut prévoir les balises de ce que peut faire l’illustrateur avec sa création. Le contrat de l’illustrateur devra ainsi prévoir toutes les conditions prévues dans le contrat de l’auteur, avec les adaptations nécessaires.

En somme, le contrat de l’illustrateur sera similaire et aussi complet que celui de l’auteur.

(Source : L’Unique, journal de l’UNEQ, décembre 2014. Mise à jour : 13 novembre 2018.)

La faillite de la maison d’édition La courte échelle au mois d’octobre 2014, après 35 ans d’activité, a mis en lumière une situation contractuelle contradictoire pour le moins déplaisante : qu’advient-il de vos droits d’auteur si l’éditeur ferme boutique ?

Les auteurs du Québec se croyaient protégés par la Loi sur le statut professionnel des artistes qui cite que les écrivaines et les écrivains récupèrent leurs droits d’auteur en cas de faillite de l’éditeur. Par contre, comme l’a démontré la situation d’insolvabilité de La courte échelle et du syndic qui a par la suite géré le dossier, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, une loi fédérale, vient stipuler autre chose que ce qui est prévu dans la Loi sur le statut des artistes.

En effet, l’article 83 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, le seul qui concerne le droit d’auteur, vise les œuvres littéraires à vocation écrite exclusivement, donc le livre. Cet article prévoit le sort des manuscrits non publiés, selon que des frais eurent été engagés par l’éditeur ou non, mais aussi le sort des exemplaires mis en vente. Toutefois, il ne prévoit pas la rétrocession automatique en cas de faillite des droits accordés à un éditeur.

L’UNEQ suggère aux écrivains de réclamer une clause résiliation du contrat dès qu’il y a non-paiement pendant un certain nombre de jours (par exemple, 60 jours), pour que la relation avec l’éditeur se termine avant que ce dernier déclare faillite.