Le travail et le jeu / Rencontre ludique avec Patrick Senécal

Un article de Bertrand Laverdure
Photos: Éric Théoret

Patrick SénécalC’est la semaine de relâche. Mais pour Patrick Senécal, qui conçoit l’écriture comme un travail auquel il faut s’adonner chaque jour, il n’y a pas vraiment de relâche. Un peu à l’image d’Yves Beauchemin, qui partait chaque matin écrire dans un local loué dans le Vieux-Longueuil, l’auteur des Sept jours du talion se lève pour écrire à son bureau. Il aime publier un livre par année et a conçu son quotidien autour de cette exigence de production.

Mais travail ne signifie pas ascétisme chez Senécal. Au contraire, s’il y a un bon vivant sur terre, c’est bien lui, et s’il y a un amateur de jeux de table, de jeux de société, c’est encore lui. Quand il ne navigue pas en Senécalie, ce pays imaginaire où il s’amuse à créer des villages hantés de gens douteux et d’êtres schizoïdes, immondes ou cruels, il aime arpenter les territoires des jeux de table les plus divers. Patrick SénécalSa ludothèque, bien remplie, variée et débordante, signale à quiconque la découvre son intérêt marqué pour les jeux d’immersion dans des mondes de carton et de cartes de joueurs. À notre arrivée chez lui, nous le surprenons d’ailleurs en préparation d’une partie de Puerto Rico avec sa fille, un jeu qu’il considère comme un classique du genre.

Ne pensez pas ici à Donjon et Dragon, l’auteur de Sur le seuil n’a jamais été un friand amateur des maîtres de jeu ou des univers empruntant à la fantasy ses références. Ce genre ne l’intéresse pas. C’est plutôt en explorant les jeux de société communs, dès la fin de son adolescence, qu’il en est venu à collectionner les plateaux cartonnés.

Patrick SénécalBien conscient que la littérature est aussi un jeu, bien conscient de son pouvoir d’auteur qui invente des univers et manipule les lecteurs afin qu’ils ressentent telle ou telle émotion, que ce soit la peur ou un désir incommensurable de connaître le secret de ses personnages (phénomène du « page turner »), Patrick Senécal est aussi en phase avec le ludisme des réseaux sociaux.

Il lui arrive même de consulter ses lecteurs sur sa fan page de Facebook. C’est d’ailleurs dans le cadre d’une de ses demandes qu’il a promis à deux fans d’utiliser leurs noms dans son prochain roman, de les transformer en personnages de son prochain opus. Il a été surpris quand ceux-ci lui ont proposé d’être assassinés dans son nouveau livre. Il n’a pas encore décidé comment il traiterait cette curieuse requête.

Étonnamment, le roman qu’il est en train d’écrire porte sur le milieu littéraire (qui prête à la satire) et les salons du livre. Œuvre dans laquelle il mettra en scène de vrais écrivains sous leur vrai nom, comme Stéphane Dompierre (il leur fera lire les pages les concernant, s’empresse-t-il d’ajouter, afin qu’ils approuvent), et nous n’avons aucun doute, dans lequel il y aura des meurtres et du sang. Ce ne sera pas un roman d’initié, ajoute-t-il, ceux qui ne connaissent pas la littérature québécoise s’y retrouveront. Son motto ayant toujours été de « raconter la meilleure histoire possible ». Stricto sensu.

Patrick SénécalLe titre de travail de son roman est MWM. Assez énigmatique en soi, mais son thème sera celui du double. Incidemment, ce sera un hommage à Poe et à son célèbre William Wilson. Il ne nous en révèle pas plus.

C’est la première fois que Patrick Senécal, d’ailleurs, travaille avec un plan fait de morceaux de papier, de notes découpées et collées sur le mur derrière son bureau. Il n’y a pas à en douter, le ludisme des plateaux de jeu et des cartes de personnages est maintenant entré dans sa vie d’écrivain travailleur/concepteur d’œuvres écrites.

Pour en savoir plus

Patrick Senécal dans L’Île
Le site de Patrick Senécal