Le droit d’auteur à l’heure de l’intelligence artificielle

ChatGPT, Midjourney, Stable Diffusion, Dall -e… Depuis plusieurs mois, les intelligences artificielles génératives suscitent de nombreuses réactions à travers le monde, notamment dans le milieu culturel. Tandis que des premières plaintes ont été adressées par des autrices et des auteurs à des entreprises développant ces technologies, The Authors Guild était à Washington le 4 avril dernier afin de rencontrer des membres du Congrès. Objectif : les sensibiliser au droit d’auteur et les encourager à œuvrer en faveur d’une évolution de la législation.

Mieux encadrer la technologie et protéger les artistes, tels sont les enjeux entourant le droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle. Il en ressort deux questions centrales : quelle interprétation du droit d’auteur pour les artistes dont les œuvres sont utilisées pour entrainer les intelligences artificielles et générer des images ou des textes ? Et, peut-on considérer qu’une œuvre produite à l’aide d’une intelligence artificielle est originale et peut ainsi être placée sous la protection du droit d’auteur ?

Le sujet est complexe. En Europe comme aux États-Unis, la législation autorise le « droit de fouille » (data mining) pour les technologies d’intelligence artificielle notamment à des fins de recherche et d’apprentissage. Mais comment distinguer les œuvres utilisées dans le cadre d’une phase d’apprentissage de celles utilisées à des fins commerciales ? Se pose également la question de la définition de la contrefaçon : le droit européen et le droit américain, comme le droit canadien, reconnaissent la contrefaçon comme étant la copie d’une œuvre précise, mais ils ne protègent pas un style, un genre ni même une idée. Lors de sa rencontre avec les membres du Congrès, The Authors Guild a plaidé en faveur d’une compensation pour les autrices et les auteurs dont les œuvres sont utilisées pour entraîner les intelligences artificielles et a évoqué la mise en place de modèles de licences collectives permettant la mise en place d’un revenu pour ces derniers.

Mais ce n’est pas le seul point sur lequel la législation sur le droit d’auteur pourrait être amenée à évoluer dans les prochaines années. La création d’une œuvre à l’aide de l’intelligence artificielle soulève elle aussi son lot de questions et amène une réflexion nouvelle quant au processus de création. Partant du principe que, pour être protégée par le droit d’auteur, une œuvre doit présenter un caractère original et, dans la plupart des pays, être le fruit d’une intervention humaine, peut-on considérer qu’une œuvre créée à l’aide d’une intelligence artificielle – qui prend une grande partie des décisions liées au processus créatif – puisse être soumise au droit d’auteur ? De même, peut-on considérer une œuvre comme étant originale dès lors que celle-ci est générée à partir d’un conglomérat d’œuvres existantes ? Ou encore, les intelligences artificielles génératives doivent-elle être considérées comme un outil de création utilisé pour matérialiser la vision d’un artiste comme l’est un appareil photo ?

Les réponses divergent d’un pays à l’autre : si, aux États-Unis, le bureau national du droit d’auteur a déclaré que seules des œuvres originales créées par un être humain pourraient prétendre à une protection par le droit d’auteur, au Royaume-Uni une disposition de la loi qui couvre le droit d’auteur permet de reconnaître la somme de travail investie dans la conception d’un programme capable de donner naissance à une œuvre. La paternité de l’œuvre est alors accordée à la personne ayant rendu possible sa création.

Partout à travers le monde, les réactions suscitées par le développement de l’intelligence artificielle font état d’un certain nombre de zones floues et d’ambiguïtés dans les législations sur le droit d’auteur. Nul doute que les gouvernements seront amenés à les faire évoluer. Au Canada, certains acteurs invitent d’ailleurs le gouvernement fédéral à se saisir de cette question dans le cadre de l’étude du projet de loi C-27 destiné à encadrer l’intelligence artificielle. Il faudra alors faire preuve de vigilance pour que les intérêts de chacune et chacun puisse être respectés et protégés.

 

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