Mot de la présidente — En démocratie, tout véritable débat doit reposer sur des faits

Suzanne Aubry (Photo : Audrée Wilhelmy)

La citation apocryphe attribuée à Voltaire : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose » illustre à merveille l’utilité du mensonge pour obtenir des gains, servir ses intérêts ou nier la réalité lorsqu’elle ne fait pas notre affaire. Sous l’ère « trumpienne », le mensonge a même pris du galon pour devenir un « fait alternatif ».

Avec le développement exponentiel des réseaux sociaux, même les mensonges les plus grossiers, répétés à satiété, finissent par avoir des allures de vérité, en dépit des faits. Nous en sommes les tristes témoins chaque jour dans de nombreux dossiers politiques.

Pourquoi cette entrée en matière sur le mensonge ? Pour une raison simple : depuis plusieurs mois, énormément d’informations erronées ont circulé et circulent encore sur les réseaux sociaux au sujet de l’UNEQ, créant, par conséquent, un contexte défavorable au débat et aux échanges. Aujourd’hui, c’est la légitimité même de notre Union en tant que syndicat qui est remise en question par certains : l’UNEQ ne serait pas un syndicat et n’aurait pas le mandat de représenter les artistes de la littérature.

Ces affirmations sont graves et portent directement atteinte au droit d’association et, par conséquent, à la liberté syndicale. Je continue d’espérer que celles-ci sont le fruit d’une méconnaissance ou d’incompréhensions et qu’elles ne cherchent pas à nuire délibérément à l’organisation.

Mais, à quelques semaines des élections du nouveau conseil d’administration, j’ai jugé essentiel de revenir vers vous pour rétablir certains faits car, en démocratie, tout véritable débat doit reposer sur les faits.

 

Première méprise : l’UNEQ ne serait pas un syndicat. C’est faux. L’UNEQ est un syndicat depuis sa fondation, en 1977, sous la Loi des syndicats professionnels, dont la mission de défense des droits socioéconomiques des écrivaines et des écrivains est inscrite noir sur blanc dans l’acte constitutif : « L’association a exclusivement pour objet la défense et le développement économiques, sociaux et moraux de ses membres. » À cette mission s’est ajoutée celle de la valorisation de la littérature.

Nous ne sommes pas, certes, un syndicat sous le Code du travail (articles 21 et suivants), car ces articles concernent le droit d’association des salariés, et les artistes ne sont pas des salariés, mais des travailleuses et travailleurs autonomes.

C’est justement pour pallier le fait que les artistes, en tant que travailleuses et travailleurs autonomes, n’avaient aucune des protections que confère le Code du travail aux salariés que la loi sur le statut de l’artiste a été créée. Il s’agit d’une LOI D’EXCEPTION sur le travail, ce qui signifie que son contenu fait exception à la Loi sur les normes du travail qui encadre les salariés.

La nouvelle loi sur le statut de l’artiste, qui a été adoptée le 3 juin 2022 par l’Assemblée nationale à l’unanimité, donne à l’UNEQ plusieurs pouvoirs, dont celui de négocier des ententes collectives avec les maisons d’édition, les diffuseurs et les producteurs. Elle permet également aux artistes, dont font partie les écrivaines et les écrivains, d’avoir recours au Tribunal administratif du travail (TAT) en cas de harcèlement ou d’agression sexuelle. Tout récemment, le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a annoncé un investissement de 3 millions sur trois ans pour aider les artistes et les travailleuses et travailleurs du milieu culturel victimes de harcèlement et de violences sexuelles.

Deuxième méprise, corollaire de la première : L’UNEQ n’étant pas un syndicat, elle n’aurait pas la légitimité pour prélever des cotisations syndicales. Cette affirmation est fausse. À l’article 24 de la Loi S-32.1, on peut lire que, parmi les droits et pouvoirs conférés à l’UNEQ en vertu de sa reconnaissance par le TAT, l’UNEQ peut « fixer le montant qui peut être exigé d’un membre ou d’un non-membre ». Autrement dit, l’UNEQ, grâce à cette loi, peut établir des cotisations syndicales. L’article 26.1 de la même Loi donne à l’UNEQ la possibilité de prélever ces cotisations avant qu’une entente collective soit signée, justement pour permettre au syndicat qu’est l’UNEQ de financer ces négociations.

Troisième méprise : l’UNEQ n’aurait pas obtenu de reconnaissance du TAT. L’UNEQ a été reconnue comme l’association la plus représentative des artistes du domaine de la littérature, selon la Loi sur le statut professionnel des artistes en arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs en 1990. L’UNEQ a reçu son accréditation par le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs en 1996. Enfin, la reconnaissance de l’UNEQ comme l’association la plus représentative dans le domaine de la littérature a été protégée avec des dispositions transitoires incluses dans le projet de loi 35 pour trois ans à compter de l’adoption de ladite loi, le 3 juin 2022.

 

Attaquer la légitimité syndicale de l’UNEQ, c’est attaquer sa capacité d’agir pour la défense des intérêts de sa communauté. Mais c’est également remettre en question les principes fondateurs d’organisations comme la nôtre, leur raison d’être, le travail acharné de leurs conseils d’administration et de leurs équipes permanentes.

Attaquer la légitimité syndicale de l’UNEQ, c’est faire mentir le millier d’écrivaines et d’écrivains qui se sont mobilisés ces dernières années pour obtenir du gouvernement un statut d’artistes à part entière.

Attaquer la légitimé syndicale de l’UNEQ, c’est contribuer à propager de la fausse information.

Des élections déterminantes pour l’avenir de l’UNEQ

À la suite de la démission collective des six membres du conseil d’administration, sept postes d’administratrices et d’administrateurs sont à combler. Quatorze candidates et candidats se sont déclarés et seront donc en élection entre le 26 et le 30 mai prochain (informations détaillées à venir en début de semaine prochaine).

J’invite les membres en règle de l’UNEQ à se prévaloir de leur droit de vote. Le futur conseil décidera des orientations de notre Union durant son mandat. C’est le temps ou jamais de faire entendre votre voix.

J’invite les membres à vérifier les informations, à relire le guide préparé par l’équipe et diffusé en février dernier.

J’invite les membres à se forger leur propre opinion en se basant sur des faits validés.

Même si, dans quelques semaines, je ne serai plus présidente de notre Union, je n’en demeure pas moins une militante déterminée à ce que l’UNEQ soit préservée de toute attaque injuste et fausse.

Votre présidente,

Suzanne Aubry