Mot de la présidente – juillet 2016

Par Danièle Simpson, présidente de l’UNEQ

Le 16 juin dernier, j’ai présenté le mémoire de l’UNEQ sur le renouvellement de la Politique culturelle au ministre de la Culture, Luc Fortin. J’étais accompagnée de Suzanne Aubry, membre de notre c.a. et responsable du comité sur les conditions socioéconomiques des écrivains.

Comme nous ne disposions que de 10 minutes, nous avons choisi de mettre l’accent sur un objectif que nous poursuivons depuis la fondation de notre union : la défense des droits socioéconomiques de nos membres. Nous voulions faire valoir le fait que malgré tous nos efforts, la situation des écrivains avait très peu évolué. À preuve, en 1991, 70% des écrivains québécois gagnaient moins de 3000$, et, quinze ans plus tard, en 2008, 65% des écrivains retiraient moins de 5000$ de leur pratique d’écriture.

Il y a, bien sûr,  plusieurs causes à cette situation, dont certaines liées à l’état du  marché du livre. Mais le problème vient aussi des lois qui encadrent le milieu du livre, la Loi sur le statut professionnel de l’artiste S-32.01, la Loi 51 sur le livre et la Loi sur la SODEC qui ne protègent pas suffisamment les écrivains dans la pratique de leur métier et ne donnent pas à l’UNEQ les moyens de réaliser son mandat.

Nous avons donc analysé chacune de ces lois pour déterminer où elles présentent des lacunes et comment elles pourraient receler des pistes de solution.

Les défauts de la Loi S-32.01 sont parfaitement connus. Bien qu’elle donne aux associations professionnelles d’artistes le droit d’ « élaborer des contrats types de diffusion des œuvres », elle ne leur permet que d’en « proposer l’utilisation aux diffuseurs ». Si la proposition n’est pas acceptée, et c’est le cas de la part des éditeurs, les diffuseurs ne sont pas tenus, comme le sont les producteurs par la Loi S- 32.1, de négocier quoi que ce soit. La démarche de l’association professionnelle ne peut aller plus loin. Ainsi, malgré des tentatives répétées, l’UNEQ n’est jamais parvenue,  en 25 ans, à s’entendre avec l’association des éditeurs, l’ANEL, sur un formulaire de contrat type d’édition, entre autres parce que l’ANEL se dit dans l’impossibilité de contraindre ses membres à le faire.

Cependant, pour tenter une percée dans les relations auteurs/écrivains, le ministère de la Culture a organisé en collaboration avec la SODEC des rencontres accompagnées entre les deux associations. Après un an et demi de discussions, l’UNEQ et l’ANEL se sont mises d’accord sur un formulaire de reddition de comptes. Mais cela fait, l’UNEQ a rencontré le même problème qu’avec le contrat type d’édition, c’est-à-dire que les éditeurs n’étaient pas tenus de l’adopter bien que ce soient des représentants de leur association qui l’aient établi avec nous.

L’UNEQ s’est alors tournée vers la SODEC pour réclamer que le formulaire fasse partie des documents exigés pour l’obtention d’une aide financière. On lui a répondu qu’à moins d’une demande conjointe de l’ANEL et de l’UNEQ, la SODEC ne pourrait considérer un tel ajout, même si la loi qui la gouverne lui donne le pouvoir de déterminer les critères d’admissibilité au financement qu’elle accorde. La seule obligation que la SODEC impose aux éditeurs actuellement est le paiement des droits d’auteur et elle ne réclame pour preuve qu’un affidavit signé par l’éditeur.

Même situation du côté de la Loi 51 qui n’a qu’une seule exigence à l’égard d’un éditeur qui sollicite un agrément : qu’il soit à jour dans l’acquittement des droits dus. Mais s’il ne l’est pas, et promet de le devenir sans délai, ou s’il convient d’une entente avec le ministre de la Culture sur les modalités du versement de ces droits, il redevient admissible à l’agrément.

Pourtant, la solution à ces problèmes existe et n’exige pas de changements majeurs aux lois, mais elle nécessite une réelle volonté politique. La Loi S-32.01 donne au gouvernement le droit d’établir, par simple règlement, des formulaires obligatoires de contrats de diffusion des œuvres. Dans la Loi sur la SODEC, c’est le ministre qui approuve les critères d’admissibilité à l’aide financière. Il pourrait donc rendre obligatoire le formulaire de reddition de comptes élaboré par l’UNEQ et l’ANEL et ajouter au mandat de la SODEC une obligation de défendre les intérêts des artistes auprès des entreprises culturelles qu’elle soutient. Dans la Loi 51 sur le livre, le gouvernement peut, par règlement, déterminer la forme et la teneur des documents que doivent transmettre ceux qui demandent l’agrément et le ministre peut assujettir la délivrance d’un agrément aux conditions déterminées par règlement du gouvernement. Il pourrait donc inclure dans le règlement encadrant l’agrément non seulement les obligations des éditeurs édictées dans la Loi S-32.01, mais aussi l’utilisation d’un contrat type d’édition négocié entre l’UNEQ et l’ANEL et imposé à tous les éditeurs, qu’ils soient ou non-membres de l’ANEL. Cela éviterait à l’association des éditeurs d’avoir à obtenir un mandat de ses membres et d’engager avec eux un débat houleux sur la question.

Bref, toutes les demandes que nous formulons peuvent être autorisées par le ministre et devraient l’être. C’est une responsabilité qui lui revient, car le cadre juridique mis en place ne nous permet pas, tel que le stipule la Loi S-32.01 de « promouvoir la réalisation de conditions favorisant la création et la diffusion des œuvres et de défendre et promouvoir les intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels des artistes professionnels ». Dans sa présentation au ministre Fortin, l’UNEQ faisait remarquer que les lois actuelles accordent une importance disproportionnée aux diffuseurs par rapport aux créateurs. Il serait temps de mettre un terme à cette inégalité, car, faut-il le rappeler, les écrivains sont les premiers acteurs économiques de la chaîne du livre. Sans leurs œuvres, celle-ci ne pourrait pas exister.

 

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