Mot de la présidente — janvier 2018

Par Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ

Déjà 2018 ! Je succombe au rituel des vœux, et je vous souhaite une année 2018 inspirante, du temps pour vous lancer dans l’écriture ou terminer votre ouvrage inachevé ; je vous souhaite que votre opus soit le prochain coup de cœur d’une maison d’édition, et qu’il fasse la conquête d’un lectorat nombreux, fidèle et fervent. C’est beaucoup en demander, mais je suis une éternelle optimiste !

Et comme l’édition va de pair avec un contrat, j’aimerais aborder avec vous la question des droits dérivés, et plus précisément celle des droits d’adaptation.

Beaucoup d’auteurs ne connaissent malheureusement pas bien ces droits ni leur importance pour mieux faire connaître leurs œuvres ici et à l’étranger, et leur donner un second souffle.

© Julien Faugère

D’après le Lexique que l’UNEQ a mis au point avec l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), les droits dérivés sont les « droits d’exploitation de l’œuvre sous une forme autre que celle de livre, par exemple une adaptation audiovisuelle, en bande dessinée, ou encore tout produit dérivé. »

Voilà, c’est aussi simple que cela…

Depuis quelque temps, on assiste à une volonté chez les institutions comme la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) d’encourager l’adaptation de romans québécois au cinéma. On voit également de plus en plus d’œuvres romanesques adaptées pour la télévision. Ce sont d’excellentes nouvelles, autant pour les écrivains que pour les éditeurs, car ces adaptations donnent une nouvelle vie aux œuvres, permettent aux auteurs de recevoir des redevances en sus de leur à-valoir et sont souvent accompagnées d’une réédition.

Pour ma part, j’ai gardé mes droits d’adaptation (télévisuels, cinématographiques et théâtraux) pour tous mes romans. En tant que scénariste de métier, je suis bien placée pour présenter un projet d’adaptation à un producteur. Le fait d’être détentrice de ces droits me donne les coudées franches pour négocier une bonne entente avec un producteur et exercer un meilleur contrôle quant au respect de l’intégrité de mon roman.

Mais est-ce la réalité pour la plupart des écrivains ? Devraient-ils systématiquement conserver tous leurs droits dérivés ? J’ai demandé à Geneviève Lauzon, responsable des programmes de diffusion et de formation à l’UNEQ, d’éclairer ma chandelle (et la vôtre) à ce sujet, sous forme de questions-réponses.

Question : Règle générale, est-ce que tu conseilles aux écrivains de garder leurs droits dérivés ?

Réponse : Lorsque nous évaluons les contrats, en ce qui concerne les droits dérivés (tels que ceux d’adaptation ou de traduction), nous conseillons aux écrivains d’évaluer laquelle des deux parties (l’auteur ou l’éditeur) est le plus en mesure de voir à ce que ces nouvelles exploitations se réalisent. Par exemple : si l’éditeur a développé une expertise et démontre plusieurs expériences de traductions en langue anglaise alors que l’auteur n’a aucun contact en ce sens, il vaut mieux laisser les droits à l’éditeur afin qu’il puisse représenter adéquatement et « librement » l’œuvre lors de diverses occasions (notamment dans les foires internationales).

Q. : Pourquoi avoir mis le mot « librement » entre guillemets ?

R. : Dans le cas où l’auteur laisse certains droits dérivés à l’éditeur, nous ajoutons toujours une clause d’autorisation obligatoire de l’auteur. Autrement dit, l’éditeur ne pourra aller de l’avant avant d’avoir obtenu l’autorisation écrite de l’auteur. On peut même préciser cette obligation contractuelle en rendant la participation de l’auteur obligatoire pour toute négociation visant à développer les exploitations dérivées. Pour un éditeur moins enclin à accepter cette obligation, on peut ajouter un délai de réponse de la part de l’auteur (jouant entre un et deux mois) et une mention stipulant que « l’auteur ne pourra refuser sans motif jugé raisonnable et sérieux » (ce qui pourrait rassurer un éditeur échaudé par de mauvaises expériences).

Q. : On perçoit souvent les droits dérivés comme un tout indivisible. Est-ce le cas ?

R. : Chaque droit dérivé consenti peut être décortiqué : il ne s’agit pas d’un « tout ou rien ». Ce n’est pas parce qu’on accorde les droits de traduction qu’on est obligé de les accorder en toutes langues et l’auteur pourrait, par exemple, conserver les droits en langue anglaise tout en laissant les droits sur les autres langues. Idem pour les adaptations : l’auteur peut conserver les droits d’adaptation cinématographique ou télévisuelle et laisser ceux pour l’adaptation théâtrale à l’éditeur. Ce qui, d’une part, donne la possibilité de mieux hiérarchiser ses demandes lorsqu’on négocie avec l’éditeur, en offrant des accommodements qui permettront – on le souhaite ! – à l’auteur d’obtenir ce qui lui semble le plus important tout en faisant quelques compromis face à un éditeur plus réticent ; et, d’autre part, de maximiser les possibilités d’exploitations connexes selon les expertises développées par chaque partie (selon les expériences, les réseaux, les contacts, etc.).

Q. : Qu’en est-il des rémunérations liées à ces droits dérivés ?

R. : La plupart des contrats prévoient une répartition des sommes nettes perçues pour l’exploitation desdits droits à 50 %-50 % entre l’auteur et l’éditeur, ce qui demeure acceptable selon les usages actuels du milieu. Or, nous conseillons d’ajouter que « si les nouvelles exploitations résultent de démarches fructueuses entreprises uniquement par l’auteur, la répartition des sommes nettes perçues sera alors de 80 % pour l’auteur et de 20 % pour l’éditeur. »

N’hésitez surtout pas à communiquer avec Geneviève Lauzon (pour ce faire, cliquez ici) afin d’obtenir des conseils à ce sujet, ou de consulter les cours offerts gratuitement si vous êtes membres de l’UNEQ sur la plateforme L’auteur autonome, notamment celui à propos des droits dérivés. Vous pourrez consulter le guide écrit, visionner la présentation vidéo et même évaluer vos connaissances en répondant au mini-questionnaire en ligne.

Sur ce, bonne écriture !

Pour en savoir plus :

 

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