« Make Canadian Libraries Great Again ! » ou comment exploiter les failles de la Loi sur le droit d’auteur

Montréal, 3 décembre 2018 — Une entreprise californienne exploite les failles de la loi canadienne sur le droit d’auteur sous prétexte de bâtir une « bibliothèque virtuelle », aux dépens des écrivains. Et des universités canadiennes encouragent cet abus !

L’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) a dénoncé cette escroquerie lors d’une audience devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, le 29 novembre dernier à Ottawa, dans le cadre de l’examen de la Loi sur le droit d’auteur.

C’est la National Writers Union américaine qui a révélé à l’UNEQ que des représentants de l’entreprise californienne Internet Archive ainsi que d’universités de l’Alberta et de Toronto ont participé à un événement intitulé ABC Copyright Conference à Vancouver le 31 mai dernier. Cette conférence a été organisée par plusieurs universités et collèges de la Colombie-Britannique, commanditée par l’Université de l’Alberta et par l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université.

Internet Archive a invité les bibliothèques publiques et universitaires canadiennes à adopter le « Controlled Digital Lending », soit le prêt de copies numériques de livres au nom de l’utilisation dite « équitable ». Il s’agit en réalité d’un vaste programme de numérisation et de distribution en ligne de livres protégés par le droit d’auteur, l’équivalent numérique de l’impression à la demande, qui fait fi des principes fondamentaux du droit moral et de la rémunération équitable pour les œuvres.

Rien à voir avec le prêt numérique actuellement offert dans les bibliothèques publiques, dans lequel une copie numérique d’un livre est prêtée à un seul utilisateur à la fois — selon le modèle « un exemplaire, un usager ».

Ariel Katz, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Toronto, dans une présentation intitulée (sans gêne) « Make Canadian Libraries Great Again ! », a soutenu lors de l’ABC Copyright Conference que la Loi sur le droit d’auteur est suffisamment floue pour permettre le « Controlled Digital Lending » :

« Nous pouvons faire tout ce que nous voulons concernant les œuvres à moins que la Loi sur le droit d’auteur dise le contraire. (…) Les titulaires de droits ont toujours le choix de parler au Parlement, qui les écoutera et qui apportera les modifications appropriées (…). Jusque-là, le Controlled Digital Lending est autorisé. »

⇒ Ce document est hébergé sur le site web de l’Université Simon Fraser : cliquez ici

Le site web Internet Archive (archive.org), fondé en 1996, possède aujourd’hui plus de 11 millions de livres et de textes numérisés, la plupart du domaine public. Mais on y trouve aussi, gratuitement, quantité d’ouvrages soumis au droit d’auteur. Par exemple, et pour s’en tenir à des écrivains canadiens et québécois, il suffit d’effectuer quelques minutes de recherche pour accéder librement à près de 100 éditions et traduction d’œuvres de Margaret Atwood, 26 exemplaires de livres de Michael Ondaatje, 24 titres de Mordecai Richler, 16 de Marie-Claire Blais, 13 de Yann Martel, 11 de Gabrielle Roy, un roman de Dany Laferrière, un autre de Félix Leclerc… Et ce n’est que la pointe de l’iceberg.

« Le gouvernement canadien peut-il accepter que de telles dérives soient mises en place, au mépris des droits des auteurs ? », s’indigne Suzanne Aubry, présidente de l’UNEQ. « Le gouvernement peut-il tolérer que des universitaires canadiens s’associent à des organisations dans le but de maximiser les avantages à tirer des exceptions prévues par la Loi ? Le gouvernement ne peut rester les bras croisés devant des entreprises qui appauvrissent les créateurs en les privant de revenus. »

« Nous sommes scandalisés par cette situation qui démontre la mauvaise foi de certains acteurs de l’éducation au nom du libre accès », abonde Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ. « Des entreprises peuvent construire leur modèle d’affaires sur les faiblesses de la loi canadienne sur le droit d’auteur et ils trouvent une oreille attentive dans nos universités ! Le gouvernement doit absolument y remédier dans son examen de la Loi sur le droit d’auteur. »

Pour en savoir plus

À propos de l’UNEQ

Créée en 1977, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois regroupe près de 1 600 poètes, romanciers, auteurs dramatiques, essayistes, auteurs pour jeunes publics et auteurs d’ouvrages scientifiques et pratiques. L’UNEQ travaille à la promotion et à la diffusion de la littérature québécoise, au Québec, au Canada et à l’étranger, de même qu’à la défense des droits socioéconomiques des écrivains.

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Source : Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)

Contact : Jean-Sébastien Marsan, directeur des communications, 514 849-8540 poste 225 | jsmarsan@uneq.qc.ca